Dieu s’est-Il incarné en homme? (partie 3 de 5) : Dieu devient homme, des hommes deviennent Dieu: pourquoi?
Description: Exemples de religions qui croient que Dieu est devenu homme ou que tous les hommes sont une partie de Dieu, et un aperçu du raisonnement derrière ces croyances.
- par Bilal Philips
- Publié le 19 Apr 2010
- Dernière mise à jour le 19 Apr 2010
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Dieu devient homme
La croyance chrétienne dans l’incarnation de Dieu tire ses origines dans les croyances de la Grèce antique. Les termes mêmes utilisés pour décrire l’incarnation de Dieu se trouvent dans Jean 1:1 et 14 : « Au commencement était celui qui est la Parole [logos] de Dieu. Il était avec Dieu, il était lui-même Dieu. » Puis Jean ajoute, plus loin : « Celui qui est la Parole est devenu homme et il a vécu parmi nous. (...) plénitude de grâce et de vérité! » Bien que le terme grec logos soit traduit par « parole », il n’existe pas réellement de terme équivalent en français. Son importance se trouve dans son utilisation en tant que terme technique dans la pensée métaphysique grecque, du sixième siècle avant Jésus-Christ au troisième siècle de l’ère actuelle, et dans son appropriation par les penseurs juifs et chrétiens. Il apparut pour la première fois dans les écrits d’Héraclite (540-480 avant J.-C.) comme principe motivateur de l’univers, mais fut supplanté, à l’époque d’Aristote, par le pouvoir immatériel (nous) et devint le pouvoir matériel.
Le terme logos réapparut chez les stoïciens, qui nommèrent leur principe de téléologie à la fois logos et Dieu. Philo (mort en 50 de l’ère actuelle), philosophe juif d’Alexandrie, établit un lien entre la « parole créatrice » de l’Ancien Testament et le logos des stoïciens. Le logos devint donc un principe transcendant, le moyen par lequel Dieu s’exprime dans le monde. Mais le logos avait également une fonction rédemptrice en ce sens qu’il était un moyen par lequel on pouvait atteindre un état spirituel plus élevé. Dans l’évangile de Jean, le logos est à la fois créateur et rédempteur, l’accent étant surtout mis sur ce dernier attribut.[1]
Mais cette croyance demandait une justification et c’est pourquoi les concept de péché originel et de sacrifice divin furent inventés. On prétendit qu’à cause du péché d’Adam, qui grossit de génération en génération jusqu’à devenir si énorme qu’aucun sacrifice humain ne pouvait le racheter, un sacrifice divin était devenu nécessaire. C’est pourquoi Dieu eut un fils humain qui était à la fois Dieu Lui-même, incarné. Ce fils de Dieu mourut ensuite sur une croix, ce qui constitua un sacrifice pour toute l’humanité. Et ce fils, qui était en fait Dieu Lui-même, ressuscita trois jours plus tard et se trouve présentement assis à la droite de Dieu, attendant de pouvoir juger les gens au Jour Dernier. Donc pour les chrétiens, qui représentent environ un cinquième de l’humanité, Dieu s’est incarné en homme à une seule occasion au cours de l’histoire, et croire en Son incarnation est une condition essentielle au salut.
Des hommes deviennent Dieu
D’un point de vue terre à terre, la croyance chrétienne selon laquelle Jésus était en fait Dieu peut être perçue comme le fait d’élever un être humain au rang de divinité. Il existe cependant certaines autres croyances chez plusieurs fidèles de l’islam qui, comme l’hindouisme et le bouddhisme, offrent aux humains l’occasion de devenir Dieu.
Ces croyances tirent leur origine du mysticisme dont les racines se trouvent dans certaines religions de la Grèce antique. Le mysticisme se définit comme une expérience d’union avec Dieu et la croyance selon laquelle le principal objectif de l’homme, dans la vie, est l’atteinte de cette union. Le philosophe grec Platon a proposé ce concept dans ses écrits, plus particulièrement dans son Symposium. Il y décrit comment l’âme humaine peut gravir les échelons de l’échelle sprirituelle jusqu’à ce qu’elle atteigne Dieu et ne fasse plus qu’un avec Lui.[2] Le fondement de cette croyance est le concept selon lequel les êtres humains sont en fait des parties de Dieu qui se sont retrouvées prisonnières du monde matériel. Le corps physique enveloppe l’âme humaine. Par conséquent, l’âme serait divine. La partie de Dieu prisonnière de ce monde doit se libérer du monde matériel pour pouvoir se réunir avec Dieu.
Parmi les musulmans est apparue une secte qui fait la promotion de telles idées. On les appelle les soufis et leur système de croyance s’appelle soufisme. Ce terme est parfois traduit en français par « mysticisme » ou « mysticisme islamique ». Ce courant se fonde sur le même concept que celui des mystiques grecs, à savoir que l’âme humaine est divine et qu’elle ne peut être réunie avec Dieu qu’à travers certains exercices spirituels. Divers groupes soufis ont évolué en cultes appelés « tariqahs ». Chaque culte porte le nom de son fondateur véritable ou supposé, et chacun possède son propre ensemble d’exercices spirituels auxquels les membres doivent strictement se conformer. La plupart des « tariqahs » enseignent à leurs fidèles qu’après avoir accompli correctement les exercices physiques et spirituels prescrits, ils peuvent espérer ne devenir qu’un avec Dieu. Cette union est appelée, en arabe, « fanaa », terme qui signifie « dissolution »,[3] ou encore « woussoul », terme signifiant « arrivée ».
Le concept d’union avec Dieu fut rejeté par les érudits musulmans, mais adopté par une partie de la communauté musulmane. Au dixième siècle, un soufi nommé al-Hallaj (858-922) annonça publiquement qu’il était Dieu et rédigea, à cet effet, plusieurs poèmes, ainsi qu’un ouvrage intitulé Kitaab at-Tawaseen. Dans cet ouvrage, il écrivait : « Si tu ne reconnais pas Dieu, reconnais au moins Son signe : je suis la vérité ultime absolue car à travers la vérité, je suis la vérité éternelle. Mes amis et maîtres sont Iblis[4], et Pharaon. Iblis fut menacé du feu de l’Enfer et pourtant, il ne concéda rien entre lui et Dieu. Alors même si je suis tué et crucifié, même si on me coupe les mains et les pieds, je ne me rétracterai pas. »[5]
Ibn ‘Arabi (mort en 1240) poussa la croyance en l’union avec Dieu un peu plus loin en affirmant que seul Dieu existe. Dans l’un de ses ouvrages, il écrivit ce qui suit : « Gloire à Lui, qui a fait que toute chose ne soit qu’apparente, tout en étant leur essence. »[6] Et dans un autre, il écrivit : « Il est l’essence de tout ce qui est apparent, et Il est l’essence de tout ce qui est dissimulé lorsque Lui-même apparaît. Celui qui Le perçoit n’est nul autre que Lui-même et nul ne Lui est caché car Il apparaît à Lui-même en étant caché. »[7] Ce concept, il l’appelait Wahdatoul-woujoud (unité de l’existence), et il fut popularisé dans les cercles soufis à travers le monde.
Pourquoi?
Qu’est-ce qui amena les anciens à croire que Dieu s’était incarné ou que Dieu et l’homme ne faisaient qu’un? D’abord, leur incapacité à comprendre ou à accepter le concept d’un Dieu ayant créé ce monde à partir du néant. Ils préféraient concevoir Dieu à leur image et créant à partir de ce qui était déjà existant. Les humains créent des choses en manipulant ce qui existe déjà. Par exemple, une table de bois fut d’abord un arbre, tandis que ses clous et ses vis furent d’abord du fer enseveli sous terre. Ce sont les humains qui coupèrent l’arbre et qui donnèrent à son bois la forme d’un dessus de table et de quatre pattes; ce sont eux qui allèrent recueillir le fer, qui le firent fondre puis qui le façonnèrent sous forme de clous et de vis, puis qui assemblèrent le bois, les clous et les vis pour en faire une table à laquelle ils prêtent divers usages. Telle est l’essence de l’activité humaine; les hommes ne font que modifier ou transformer ce qui existe déjà. Ils n’ont pas créé les arbres ni le fer. Et même s’ils ont planté des arbres, ce ne sont pas eux qui ont créé les graines à partir desquelles ces arbres se sont formés.
Par conséquent, les humains, dans leur ignorance de la réalité de Dieu, ont maintes fois conçu Dieu comme un être humain. Par exemple, dans l’Ancien Testament, il est écrit que « Dieu créa l’homme à Son image ». Pour les hindous, Purusa est le Dieu créateur, c’est-à-dire Brahma, sous une forme humaine; et tout comme les humains créent en manipulant ce qui existe déjà, ils s’imaginent que le Créateur doit faire de même.
Selon la philosophie hindoue, Purusa est le fils géant de Brahma et possède mille têtes et mille yeux. Il a donné naissance à Viraaj, son pendant féminin et compagne dans le processus de création. Le Purusa divin est également considéré comme une offrande qui fut sacrifiée et l’on croit que c’est de son corps démembré qu’apparurent les quatre castes traditionnelles (varnas).[8] Perusa Hymn affirme que la caste supérieure des brahmines est issue de la bouche de Purusa; que les Ksatriyas (nobles) sont issus de ses bras; que les Vaishyas sont issus de ses cuisses et que les Shoodras sont issus de ses pieds.[9] L’incapacité des hindous à concevoir que Dieu ait pu créer ce monde à partir de rien les a amenés à croire que Dieu avait créé ce monde à partir de Lui-même et ses habitants, des parties de Son corps.
La capacité des humains à comprendre des idées et des concepts est limitée et finie. Ils ne peuvent saisir et réellement comprendre le concept de l’infini. Dieu a enseigné à Adam qu’Il avait créé ce monde à partir du néant. Il lui a dit que lorsqu’Il décide d’une chose, Il n’a qu’à dire « Sois! », et elle est aussitôt, issue du néant. Ce monde et tout ce qu’il contient ne fut pas créé à partir de Dieu. En fait, l’idée d’un Dieu créant le monde à partir de Lui-même Le réduit au niveau de Ses créatures qui elles, ne créent qu’à partir de ce qui existe déjà. Ceux qui croient à ce concept sont incapables de saisir l’unicité de Dieu. Il est pourtant unique, et rien ni personne ne Lui ressemble, de près ou de loin. S’Il avait créé ce monde à partir de Lui-même, Il serait nécessairement comme Ses créatures, ce qui n’est pas le cas.
Footnotes:
[1]Dictionary of Philosophy and Religion, p. 314.
[2]Colliers Encyclopedia, vol. 17, p. 114.
[3]Ihyaa ‘Uloom ad-Deen, vol. 4, p. 212.
[4]Le nom que les musulmans donnent à Satan.
[5]Idea of Personality, p. 32.
[6]Al-Futoohaat al-Makkiyyah, vol. 2, p. 604.
[7]Fusoos al-Hikam, vol.1, p. 77.
[8]Dictionary of World Religions, p. 587.
[9]The New Encyclopedia Britannica, vol. 20, p. 552.
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