Hajj: le voyage d’une vie (partie 2 de 2) : Les rites d’Abraham
Description: Un cinquième de l’humanité partage un même rêve : accomplir le Hajj, au moins une fois dans leur vie. Partie 2 : la procession à partir d’Arafat jusqu’au dernier rite, et le Hajj accepté par le Tout-Puissant.
- par Nimah Ismail Nawwab (édité par M. Abdulsalam)
- Publié le 14 Dec 2009
- Dernière mise à jour le 14 Dec 2009
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Tout juste après le coucher du soleil, la foule de pèlerins se rend à Mouzdalifah, une plaine sise à mi-chemin entre Arafat et Mina. Là, ils prient et recueillent, au sol, un nombre déterminé de cailloux qu’ils utiliseront les jours suivants.
Avant l’aube, au troisième jour, les pèlerins se déplacent de Mouzdalifah jusqu’à Mina. Là, ils lancent, sur des piliers blancs, les cailloux qu’ils ont recueillis la veille, une pratique remontant à l’époque du prophète Abraham (que la paix soit sur lui). Tandis qu’ils lancent sept cailloux sur chacun des piliers, ils se souviennent de la tentative de Satan de détourner Abraham de l’ordre de Dieu l’enjoignant de sacrifier son fils.
Lancer ces cailloux symbolise la volonté de l’homme de repousser le mal et le vice, non pas une seule fois, mais sept – le nombre sept étant le symbole de l’infini.
Après le lancer des cailloux, la plupart des pèlerins sacrifient une chèvre, un mouton ou un autre animal. Ils distribuent la viande aux pauvres après, dans certains cas, en avoir gardé une portion pour eux-mêmes.
Ce rite est associé à la volonté d’Abraham de sacrifier son fils afin de se soumettre à l’ordre de Dieu. Il symbolise la volonté du musulman de se départir de ce à quoi il tient et rappelle l’esprit de l’islam, dans lequel la soumission à Dieu joue un rôle crucial. Cet acte rappelle également au pèlerin la nécessité de partager ses biens avec ceux qui sont plus pauvres que lui, tout en étant un signe de reconnaissance envers Dieu.
Comme les pèlerins, à cette étape, ont terminé la majeure partie de leur Hajj, ils ont maintenant le droit d’enlever leur ihram et de revêtir des vêtements ordinaires. Ce jour-là, les musulmans à travers le monde partagent la joie des pèlerins et se joignent à eux dans le sacrifice des moutons, célébrant ainsi la fête qui est connue sous le nom d’Aïd al-Adha (Aïd du mouton). Les hommes se rasent la tête ou coupent leurs cheveux très courts, tandis que les femmes se coupent une mèche symbolique pour signifier qu’elles sont sorties de leur état de sacralisation. Toutes les prohibitions sont maintenant levées, à l’exception des rapports conjugaux, qui sont toujours interdits.
Toujours en séjour à Mina, les pèlerins se rendent ensuite à la Mecque pour accomplir un autre rite essentiel du Hajj : le tawaf, qui consister à faire sept fois le tour de la Ka’bah, en récitant des invocations particulières. Ces tours de la Ka’bah, symboles de l’unité de Dieu, font référence au fait que toutes nos activités, en tant qu’êtres humains, doivent être centrées autour de Dieu.
Thomas Abercrombie, un converti à l’islam, écrivain et photographe pour le magazine National Geographic, a accompli le Hajj dans les années 70 et décrit l’unité et l’harmonie que ressentent les pèlerins lorsqu’ils tournent autour de la Ka’bah :
« Nous avons tourné sept fois autour de ce lieu de pèlerinage, en répétant nos dévotions en langue arabe : « Ô Seigneur! Je suis venu de loin pour Toi... Accorde-moi le refuge à l’ombre de Ton Trône. » Pris dans ce tourbillon, soulevés par la poésie de toutes ces prières, nous avons tourné autour de la Maison de Dieu comme des atomes, en harmonie avec les astres. »
Tout en faisant ce circuit, les pèlerins peuvent, s’ils y arrivent, embrasser ou toucher la Pierre Noire. Cette pierre ovale, d’abord montée sur un support d’argent, au septième siècle, occupe une place spéciale dans le cœur des pèlerins car, selon certains hadiths, elle est l’unique vestige de la structure originale bâtie par Abraham et son fils Ismaël. Mais peut-être la raison la plus importante qui puisse nous pousser à embrasser ou toucher cette pierre est que le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) l’a lui-même fait.
Nous ne devons pas accorder à la Pierre Noire plus d’importance qu’elle n’en a en réalité, car elle n’est point, et n’a jamais été, un objet d’adoration. Le deuxième calife, Omar ibn al-Khattab, a fortement insisté sur ce point; en embrassant lui-même la pierre, comme l’avait fait le Prophète, il dit :
« Je sais que tu n’es rien d’autre qu’une pierre, et que tu es incapable de faire ni bien ni mal par toi-même. Si je n’avais vu le Messager de Dieu (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) t’embrasser, je ne l’aurais pas fait moi-même. »
Après avoir complété le tawaf, les pèlerins prient, de préférence à la Station d’Ibrahim, c’est-à-dire le site même où Ibrahim s’est tenu lorsqu’il a construit la Ka’bah. Puis, ils peuvent boire de l’eau de Zamzam.
Un autre rite final est le sa’y, ou « l’épuisement ». Il s’agit de la reconstitution d’un épisode mémorable de la vie de Hagar, qui fut amenée, par son mari Abraham, dans ce que le Coran décrit comme une « vallée incultivable » de la Mecque, avec son fils Ismaël.
Le sa’y commémore la quête désespérée de Hagar pour trouver de l’eau, afin d’étancher sa soif et celle de son fils. Elle fit l’aller-retour sept fois, en courant, entre les collines de Safa et de Marwah, jusqu’à ce qu’elle trouve la source d’eau sacrée connue sous le nom de Zamzam. Cette eau, qui jaillit de façon miraculeuse sous les pieds d’Ismaël, est issue de la même source que celle à laquelle s’abreuvent les pèlerins, de nos jours.
Une fois tous ces rites accomplis, les pèlerins sont libres et peuvent reprendre leurs activités courantes. Ils retournent à Mina, où ils restent jusqu’aux 12e et 13e jours de Dhoul Hijjah. Là, ils lancent leurs cailloux restants sur chacun des piliers, de la manière pratiquée ou approuvée par le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui). Puis, avant de quitter définitivement la Mecque, ils font un dernier tawaf autour de la Ka’bah afin de faire leurs adieux à la ville sainte.
Habituellement, les pèlerins précèdent ou font suivre leur pèlerinage, le Hajj, de la oumrah, ou « petit pèlerinage », que le Prophète a lui-même accompli. La oumrah, contrairement au Hajj, n’a lieu qu’à la Mecque et peut être accomplie à n’importe quel moment de l’année. Le ihram, le talbiyah et les interdictions s’appliquent aussi à la oumrah, qui partage également trois autres rites avec le Hajj : le tawaf, le sa’y et le rasage des cheveux.
Avant ou après être allés à la Mecque, les pèlerins profitent de l’occasion pour aller visiter la mosquée du Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) à Médine, la deuxième ville sainte de l’islam. C’est là que repose le Prophète, dans une tombe très simple. La visite à Médine n’est pas obligatoire, car elle ne fait pas partie du Hajj ni de la oumrah, mais la ville – qui accueillit Mohammed lorsqu’il quitta la Mecque – est très riche du point de vue historique et regorge de sites rappelant la vie de Mohammed en tant que prophète et homme d’État.
Dans cette ville, chérie des musulmans depuis des siècles, les gens ressentent toujours les effets du passage du Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui). Mohammed Asad, un juif autrichien converti à l’islam en 1926, a accompli cinq fois le pèlerinage entre 1927 et 1932 et commente ainsi cet aspect de Médine :
« Même après treize siècles, la présence spirituelle du Prophète est presque aussi tangible qu’elle était de son vivant. Ce n’est qu’à travers lui que l’ensemble de villages éparpillés qui s’appelait autrefois Yathrib devint une ville chérie des musulmans jusqu’à nos jours, comme nulle ville, en ce monde, n’a jamais été chérie. Elle ne possède même pas un nom qui lui soit propre : depuis plus de treize siècles, les musulmans l’appellent Madinat-an-Nabi, ou « la ville du Prophète ». Depuis plus de treize siècles, tant d’amour a convergé vers ce lieu que toutes les formes et tous les mouvements ont acquis une ressemblance familiale; et toutes les différences extérieures arrivent à se rejoindre pour former une véritable harmonie. »
Tandis que les pèlerins de diverses races et nationalités retournent chez eux, ils rapportent avec eux, dans leur cœur, le souvenir d’Abraham, d’Ismaël, de Hagar et de Mohammed. Jamais ils n’oublieront ce rassemblement universel, où des pauvres et des riches, des Noirs et des Blancs, des jeunes et des vieux se sont rencontrés sur un même pied d’égalité.
Ils retournent chez eux à la fois impressionnés et sereins. À Arafat, c’est dans un sentiment mêlé de crainte et de respect qu’ils se sont sentis plus proches de Dieu que jamais auparavant, au moment où ils se tenaient sur ce lieu même où le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) prononça son dernier sermon durant ce qui fut son premier et dernier pèlerinage. Et ils ont ressenti une grande sérénité pour s’être repentis de leurs péchés et s’être enfin libérés d’un si lourd fardeau. Ils retournent aussi chez eux avec une meilleure compréhension de la diversité de leurs frères et sœurs en islam. C’est ainsi qu’ils ont pu développer une plus grande compassion envers eux et qu’ils ont compris à quel point leur héritage commun est grandiose.
Les pèlerins quittent ce pays emplis de joie et d’espoir, car ils ont répondu à l’appel de Dieu, ils se sont soumis à Son ordre, lancé à tous les musulmans, d’accomplir ce pèlerinage au moins une fois dans leur vie. Mais surtout, ils reviennent avec une prière sur les lèvres : que Dieu accepte leur Hajj et que cette promesse, faite par le Prophète, s’applique à leur Hajj personnel :
« Pour un pieux pèlerinage, il n’y a pas d’autre rétribution que le Paradis. » (at-Tirmidhi)
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