L’intérêt et son rôle au sein de l’économie et de la vie en général (partie 5 de 8) : Explications et théories

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Description: Les penseurs du passé ont tenté d’expliquer de diverses façons la permissivité par rapport à l’intérêt.

  • par Jamaal al-Din Zarabozo (© 2011 IslamReligion.com)
  • Publié le 28 Feb 2011
  • Dernière mise à jour le 28 Feb 2011
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Interest_and_its_Role_in_Economy_and_Life_(part_5_of_7)_001.jpgLe nombre important d’opinions et d’arguments divers cherchant à expliquer la permissivité par rapport à l’intérêt et à justifier ce dernier – de même que les critiques de ces opinions par des économistes connus et respectés[1] – devrait être le signe, pour quiconque ouvre les yeux, qu’il y a quelque chose qui cloche.  Dans l’histoire de la pensée économique, on retrouve, entre autres, les théories suivantes pour justifier l’intérêt :

(1)  Les théories « sans couleur » (comme les appelle Boehm-Bawerk) : elles furent mises de l’avant par Adam Smith, Ricardo et d’autres économistes de la première heure.  Ces théories contiennent plusieurs failles, comme le fait de confondre l’intérêt avec le bénéfice brut sur le capital.  De plus, Ricardo fait remonter l’origine de toute la valeur du capital au travail, mais oublie de souligner que jamais ce ne fut le travail qui reçut de paiement pour cette valeur.

(2)  Les théories de l’abstinence : ces théories sont apparues à intervalles réguliers.  Les économistes comprirent qu’« abstinence » n’est peut-être pas le meilleur terme à utiliser et l’on souvent remplacé par d’autres termes, dont « attente ».  Essentiellement, l’intérêt serait le salaire reçu pour avoir « attendu » ou s’être « abstenu » de consommer immédiatement.  Cette théorie ne tient pas la route car elle semble dire que les économies ne seraient qu’une fonction de l’intérêt, ce qui est évidemment faux.

(3)  Les théories de la productivité : les partisans de cette théorie voient la productivité comme inhérente au capital et l’intérêt comme le simple paiement pour cette productivité.  Cette théorie, telle qu’avancée par Say, présume que le capital produit une plus-value, mais il n’existe aucune preuve pour étayer cette affirmation.  Tout au plus peut-on concéder qu’une certaine valeur a été créée, qui est un paiement sur capital, mais nul ne peut démontrer qu’une valeur additionnelle a été créée, idée qu’ils utilisent pour justifier l’intérêt.  Évidemment, ces théories font totalement abstraction des facteurs monétaires.

(4)  Les théories de l’utilisation : « Boehm rejette la validité de l’hypothèse selon laquelle il y aurait, parallèlement à chaque bien de production, une « utilisation » qui serait un bien économique indépendant possédant une valeur indépendante.  Il souligne également que « en premier lieu, une utilisation indépendante du capital, cela n’existe tout simplement pas.  Par conséquent, elle ne peut avoir de valeur indépendante ni faire naître de surplus.  Prétendre qu’une telle utilisation existe revient à créer une fiction injustifiable qui va à l’encontre de tous les faits. »[2]

(5)  Les théories de la rémunération : les économistes qui croient à ces théories voient l’intérêt comme une rémunération pour un « travail accompli » par le capitaliste.  Soutenue par des économistes anglais, français et allemands, cette façon de voir se passe probablement de commentaire.

(6)  Les théories éclectiques (fusion de théories antérieures, telles celles de la productivité et de l’abstinence).  Afzal-our-Rahman écrit :

Ce mode de pensée révèle un symptôme d’insatisfaction par rapport à la doctrine de l’intérêt telle que présentée et discutée par les économistes passés et présents.  Et, comme il n’y a aucune théorie, sur le sujet, qui soit considérée comme satisfaisante, les gens ont tenté de trouver une combinaison d’éléments tirés de diverses théories afin d’arriver à une solution acceptable au problème.[3]

(7)  La théorie moderne de la fructification : c’est Henry George qui développa cette théorie, mais elle n’eut jamais suffisamment d’impact pour que quiconque s’en fasse le défenseur.

(8)  Théorie de l’abstinence revue : une autre théorie unique, proposée par Schellwien, qui n’eut aucun impact.

(9)  La théorie autrichienne (l’Agio, ou théorie du temps) : c’est celle que Boehm-Bawerk lui-même appuie.  Selon cette théorie, l’intérêt naît « d’une différence de valeur entre les biens présents et les biens futurs ».  Cassel a critiqué cette théorie en détail, qui se résume à être une théorie fantaisiste de « l’attente ».

(10)     Les théories monétaires (celles des fonds empruntables, de la préférence pour la liquidité, la théorie du flux-stock, l’approche de la préférence pour les actifs) : Plus récemment, des économistes ont tenté de souligner l’influence de certains facteurs monétaires sur l’intérêt.  Mais en réalité, ils font subtilement passer la question de « pourquoi de l’intérêt doit-il être payé » à « quel devrait être le taux en vigueur ».  « Selon Robertson, dans la théorie de la préférence pour la liquidité, l’intérêt est réduit à une simple prime de risque contre les fluctuations incertaines.  Cela laisse l’intérêt en suspens, comme dans un vide, où il n’y a de l’intérêt que parce qu’il y a de l’intérêt. »[4]  Des critiques similaires ont été faites au sujet des autres théories de ce groupe.

(11)     La théorie de l’exploitation : Les économistes socialistes ont toujours considéré l’intérêt comme rien d’autre que de l’exploitation.  Rappelons-nous que les pères fondateurs de la théorie capitaliste, Adam Smith et Ricardo, croyaient que la source de toute valeur de capital n’est autre que le labeur.  Si cela est vrai, alors tous les paiements devraient être faits au labeur et l’intérêt n’est rien d’autre que de l’exploitation.

Afzar-our-Rahman apporte d’excellentes conclusions sur ces différentes théories de l’intérêt.  Il écrit :

Une étude critique du développement historique du phénomène de l’intérêt a démontré que l’intérêt est payé à un facteur de production indépendant, appelé soit « attente », « renvoi à plus tard », « abstinence », « utilisation », etc.  Mais toutes ces théories ont échoué à répondre à la question à savoir pourquoi on doit payer de l’intérêt ou à démontrer la pertinence d’un tel système.  Certains parlent de la nécessité d’attendre ; d’autres de la nécessité de l’abstinence ou du renvoi à plus tard; mais aucune de ces tentatives d’explication ne répond à la question.  Ni la nécessité d’attendre ni le renvoi à plus tard ni l’abstinence, pas plus que l’utilisation ou la productivité du capital ne suffisent à démontrer que l’intérêt est un paiement nécessaire pour l’utilisation du capital dans la production.  De plus, ces théories n’expliquent pas non plus de quelle façon un facteur variable peut déterminer un facteur fixe comme le taux d’intérêt.  Comment une telle théorie peut-elle être considérée comme valide ou défendable?[5]

Il écrit également :

Les théories monétaires, comme les théories de productivité marginale, n’ont aucunement tenté de répondre à la question : pourquoi devrait-on payer de l’intérêt?  Ou pourquoi les gens paient-ils de l’intérêt?  Elles ont toutes ignoré cette question et se sont réfugiées dans la théorie de la valeur.  Elles avancent que, comme pour le reste, le coût du capital est déterminé par la demande et les réserves d’argent.  Mais elles semblent oublier la différence essentielle entre les deux problèmes : la théorie de la valeur est un problème d’échange, tandis que la théorie de l’intérêt est une problème de distribution.  Les théories des fonds empruntables et de la préférence pour la liquidité sont des théories de réserves et de demande et elles s’expliquent avec des références aux réserves de fonds empruntables et aux demandes d’argent.  Mais elles n’apportent aucune justification à l’intérêt.  Même si le capital a droit à une compensation pour sa contribution à la création de richesse, « il ne peut tirer sa part de l’augmentation de la richesse nationale qu’à un degré ne dépassant pas sa contribution. »

Il ne lui est pas permis de partir avec son dû, déterminé d’avance et sans lien avec la réalité de la production. »[6]  Selon Boehm Bawerk, l’étude de toutes ces théories « montre le développement de trois types de compréhensions essentiellement divergentes du problème de l’intérêt. »  Un groupe, représentant la théorie de la productivité, traite le problème de l’intérêt comme un problème de production.  Les défenseurs socialistes des théories de l’exploitation traitent le problème de l’intérêt comme un simple problème de distribution.  Enfin, le troisième groupe, composé des défenseurs des théories monétaires, voit dans la théorie de l’intérêt un problème de valeur.  Il ne fait aucun doute que tous ces théoriciens, ayant été aveuglés par la magnanimité et l’omniprésence du phénomène de l’intérêt, ont évité de se risquer à répondre à la question – à savoir pourquoi doit-on payer de l’intérêt?  Ils ont dépensé toute leur énergie à parler soit de l’attente, soit de l’abstinence, ou encore de la productivité, de la valeur du travail ou de la détermination de la valeur, mais ils n’ont pas dit un mot sur l’origine ou la raison d’être de l’institution de l’intérêt.[7]



Footnotes:

[1] Pratiquement tous les manuels sur l’histoire de la pensée économique fournissent une analyse des justifications de l’intérêt et des critiques à leur endroit.  Entre autres références utiles, mentionnons l’ouvrage de Mark Blaug, Economic Theory in Retrospect (Cambridge: Cambridge University Press, 1978).  L’ouvrage classique de Boehm-Bawerk, Capital and Interest, est un sévère réquisitoire contre les premières théories sur l’intérêt, bien que sa propre théorie soit loin d’être parfaite.  Boehm accuse les premières théories d’être incohérentes et contradictoires et d’être incomplètes, n’expliquant pas pourquoi il doit être payé et quels sont les facteurs qui déterminent ses taux.  Voir également Qureshi, pp. 11-39; Afzal-ur-Rahman, pp. 9-48. 

[2] Afzal-our-Rahman, p. 23.

[3] Afzal-ur-Rahman, p. 30.

[4] Afzal-ur-Rahman, p. 44.

[5] Afzal-ur-Rahman, pp. 37-38.

[6]Ahmad, The Economics of Islam (cité par Afzal-ur-Rahman)

[7] Afzal-ur-Rahman, pp. 46-47.

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